une adresse où pour un temps loger
I
un mur aveugle, une porte arrière, à l’étage, ouvertes, trois fenêtres. maison bondée. vidée, derrière et après.
en saillie sur le trottoir, une marche; une porte entre-baillée sur un couloir, discret entre les pièces bruyantes. maison bondée. vidée, derrière et après.
à l’étage trois fenêtres aux rideaux gonflées par un souffle buté venu lentement et de loin rappeler l’odeur fiévreuse des jeunes champs de blés. maison, vidée, bondée; derrière et après.
II
tantôt, m’ouvrant au milieu des grands champs à l’infini, à la sensation nouvelle de son jeune blé, au vent. oui celui-là, celui-là qui, toujours en alerte et aux aguets, dès le premier matin jusqu’à la tombée du jour, disperse dans l’air sans conditions, sans répit, sans remord, son chant ondulant et son souffle dansant. puis s’envole.
vois-tu, contre tant de maisons aux murs en écho, porté de chaque côté il revient à moi maintenant: effluves qui, depuis les grands champs, se sont transformés en ceux de tous les passants; rythmes diffus s’agrippant aux appuis des fenêtres. maintenant, maintenant à chaque aube, tout mon monde est habité.
III
à chaque endroit, ça et là comme à chaque fois où un homme pose son pied, sa main, et pour autant qu’un jour il voudra s’enfuir, à chaque endroit et à chaque fois comme ça y laisse une empreinte. puis une patine. ruelles des pensées, boulevards des intentions. l’adresse à laquelle un jour il aura logé.
à cet endroit, dans ce même coin tout autant de fois, en longeant par devant, comme tout un chacun, soir ou matin passant son chemin sans même lever les yeux, à peine les pieds; de son épaule cet homme frôle les murs, et aux appuis des fenêtres échange déjà contre mémoire de sueur odeur de souvenir. l’adresse à laquelle un jour bientôt il ira loger.
à chaque fois ça et là, à quelqu’endroit où un homme en vient à plier bagage, tourner le dos, avec un coeur lourd à vouloir courir pour s’enfuir; comme cette fois et toutes ces fois avant lui, il passe au suivant une adresse, usée pourtant, toujours inachevée, sur des ruelles encore inexplorées, depuis les boulevards congestionnés, une adresse où pour un temps loger.
s'élançant entre les fentes
le ciel se glisse entre les immeubles, derrière les voitures, derrière les arbres. un linceul silencieux sur le visage de ceux qui meurent. la peur ; quoiqu'encore ce soit là le meilleur moment : l'esprit vif s'éveille, reprends ses forces, sa vitesse, s'élève, en spirales en volutes, s'élançant entre les fentes.
séquence 35e rue ouest
35e rue ouest - le trafic rugit - le trafic exhale - le lion - les piétons - rats des villes - en prennent l'habitude - un autre cul-de-sac - une autre drogue - elle en nous - nous en elle - 35e rue ouest - le trafic assaille le festin de piétons - le bitume se réchauffe - l'odeur d'échappement - lui en nous - nous en lui - 35e rue ouest - une autre drogue - de l'autre côté de la rue - un autre cul de sac - en face du détaillant - la publicité encourage - les piétons - rats des villes - une autre drogue - le trafic vole le festin des piétons- 35e rue ouest
un nouveau rêve pour Maureen
Bonjour, comment vas-tu ?
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Oh ben moi, oui, sans problèmes. La neige et l’hiver ne m’tracassent pas. Hum ?
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Beaucoup même. Ben on n’voit pas la maison d’en face, celle des Trinckett.
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Non, il n’vente pas, la neige tombe doucement, tu dis ?
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Non ils ne viennent plus ici l’hiver, juste l’été.
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Si j’m’en souviens encore au printemps, oui, bien sur, av…
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avec plaisir, oui, j’leurs dirai ! Mais oui, voyons, ils s’souviendront d’toi ! Je n’veux pas t’déranger longtemps, mais si t’as l’temps, j’ai un nouveau rêve pour toi. C’est pour ça que j’t’appèle encore cette semaine.
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J’pense que tu vas aimer, mais je n’sais pas ce que tu pourras en faire. T’as le temps de m’écouter ? Il est bien détaillé, c’lui-là.